L’échéance se rapproche à grands pas pour la réalisation des diagnostics de performance énergétique collectifs. Exigés par la loi Climat et Résilience de 2021, ces DPE centrés sur les parties communes devront être réalisés dans toutes les copropriétés entre 200 et 50 lots d’ici à 2025 et pour toutes celles de moins de 50 lots d’ici à 2026. Mais professionnels et syndics de copropriété sont unanimes sur le fait que ces échéances ne pourront pas être tenues. Explications.
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Maxime Heuze
04 Juin 2024, 7:00
Sur les 800.000 copropriétés existantes en France, 89% de ces dernières comportent moins de 50 lots selon l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). (Photo d'illustration). (Crédits : Philippe Wojazer)
Des milliers de copropriétés hors la loi dans deux ans ? Voilà la crainte de nombreux professionnels de l'immobilier. Alors que les diagnostics de performance énergétique (DPE) sont encore en cours de réalisation sur les 37 millions de logements individuels, les diagnostiqueurs vont devoir s'attaquer à un nouveau marché en quatrième vitesse. D'après la loi Climat et Résilience de 2021, le DPE collectif deviendra obligatoire à partir du 1er janvier 2025 pour les copropriétés comportant entre 50 et 200 lots et partir du 1er janvier 2026 pour les copropriétés d'au maximum 50 lots.
Ce diagnostic indique la performance énergétique de l'ensemble d'un bâtiment, y compris pour les parties communes. A noter, il est déjà obligatoire pour les bâtiments neufs, les immeubles en monopropriété et les copropriétés de plus de 200 lots dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013.
« Il permet d'informer les copropriétés des travaux à effectuer avant de réaliser un plan pluriannuel de travaux. C'est la première étape qui les empêche de partir dans tous les sens et qui leur permet de faire des rénovations efficaces », explique Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs de la Fédération nationale de l'immobilier (CDI Fnaim).
« Les DPE collectifs sont importants car les travaux des parties communes sont souvent beaucoup plus efficaces que les rénovations individuelles et améliorent les DPE de chaque appartement », abonde Harold Hugonenc, associé chez l'entreprise de rénovation globale Realisa.
Une montagne de DPE à réaliser...
Des analyses donc très utiles, mais aussi très chronophages. « Nous regardons toutes les ventilations, tous les murs, des appartements dans tous les étages, la toiture, etc. Bref, ça prend beaucoup plus de temps qu'un DPE individuel », précise Yannick Ainouche.
Or selon les chiffres de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), sur les 800.000 copropriétés existantes en France, 89% de ces dernières comportent moins de 50 lots et se précipitent toutes en même temps dans les bureaux des diagnostiqueurs. « Les copropriétés ont tendance à attendre le dernier moment pour faire les demandes tant est si bien que nous avons donc énormément de devis en attente pour 2025 », pointe le président de la CDI Fnaim qui confie que « fin 2026, toutes les copropriétés n'auront pas de DPE ».
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Et une motivation manquante des copropriétés
Comment expliquer un tel retard ? Si les copropriétés sont au courant de l'échéance depuis maintenant trois ans, l'inertie de leurs modes de fonctionnement fait qu'elles n'ont pas eu assez de temps selon les professionnels du secteur. La décision d'un DPE doit s'effectuer en assemblée générale - réunie une fois par an - et être votée à majorité simple, sans prise en compte des abstentionnistes. Un vote qui demande donc à ce que la plupart des copropriétaires soient d'accord. Or ces derniers « ne sautent pas au plafond à l'idée de faire un énième diagnostic », reconnaît Gilles Frémont, président de l'Association nationale des gestionnaires de copropriété (ANGC).
Parmi les arguments des réfractaires : le prix. Les diagnostics coûtent entre 2.000 et 10.000 euros en fonction de la taille de la copropriété. « Rapporté au coût par copropriétaire, les DPE collectifs sont beaucoup moins chers que les individuels », rappelle Harold Hugonenc, mais « les copropriétaires ne voient que la note totale sur le devis », rétorque Gilles Frémont. « lls ne voient généralement pas l'intérêt de ce document puisqu'ils ont chacun déjà leur DPE et se rendent compte que les règles changent très vite sur ces documents », poursuit le président de l'ANGC qui estime cependant que 90% des copropriétés vont respecter la loi de 2021.
Pas de sanction pénale, mais des risques juridiques
Les particuliers manquent aussi d'entrain pour ces diagnostics du fait de l'absence de sanction pénale. Aucune amende n'est ainsi prévue en cas de non-respect du calendrier et « ne pas avoir de DPE collectif ne va pas empêcher les copropriétaires de vendre ou louer leurs bien », précise Yannick Ainouche.
L'absence de ce document obligatoire pourrait cependant nuire à la valeur du bien, prévient le président de la CDI Fnaim. « A l'heure où le coût des travaux est une question primordiale pour les acheteurs, ne pas savoir l'état d'une copropriété pourrait pousser ces derniers à demander une décote sur le prix du bien », affirme-t-il.
Surtout, en jouant avec la loi, les copropriétaires s'exposent à des problèmes juridiques. « Si un DPE individuel montre un problème au niveau des parties communes, un propriétaire pourrait remettre en cause la responsabilité du syndicat des copropriétaires s'ils n'ont pas voté de diagnostic collectif », met en garde Pierre-Edouard Lagraulet, avocat au barreau de Paris, co-auteur du Code de la copropriété. Attention donc à ne pas se brûler en jouant avec le feu de la loi.
Maxime Heuze
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